"J'avais commencé les cours de théâtre pour lutter contre ma timidité", raconte-t-il. Electricien de formation, Jean-Christophe Despond découvre ensuite une petite annonce pour l'entreprise vaudoise TDS, Technique du spectacle. "C'est là-bas que je me suis formé. J'ai travaillé six ou sept ans pour cette boîte, que le Théâtre des Osses mandatait. Ensuite, j'ai eu de plus en plus de mandats extérieurs et je me suis lancé en indépendant." Comme Anne Jenny, il commence sa collaboration avec les Osses pour Antigone. En tant que technicien, alors que Michel Boillet avait créé les éclairages. Dès l’installation à Givisiez, en 1990, Jean-Christophe y travaille pour les aspects techniques, met la main à la pâte pour l’aménagement des locaux, l’installation des gradins, les excavations. De technicien, il devient ensuite éclairagiste, dès Le Bal des Poussettes. Début d’une fructueuse collaboration artistique avec Gisèle Sallin. Même s’il est, durant quelques années, un peu moins présent, notamment parce qu’il accompagne les Young Gods en tournée. En 1998, Jean-Christophe Despond revient aux Osses, où il est engagé à 100%. Et quand on dit 100%, c’est valable pour les périodes creuses... En saison, on ne compte plus: "Du 15 août au 30 avril, c’est du sept jours sur sept ... Mais c’est un choix." Avec, avoue-t-il, des ras- le-bol, et, surtout, "des moments géniaux". Un soulagement toutefois: grâce à l’engagement de régisseurs pour les représentations, il n’a au moins plus besoin d’être en régie, ces soirées-là. Sauf exception.
A ces tâches techniques, qui comprennent la complexe organisation des tournées, Jean-Christophe Despond ajoute un volet artistique. Au fil des années et des spectacles, la complicité avec Gisèle Sallin n’a cessé de s’intensifier. En répétition, ils sont toujours présents les deux, échangent, confrontent leurs avis. Pour les lumières, il a carte blanche, mais des limites se créent naturellement: "Ce lieu est contraignant, on est vite coincés. Comme c’est petit, il faut tout le temps trouver des solutions pour éclairer. Et l’on doit tenir compte des tournées: il faut que ce soit efficace et que l’on puisse tout faire en un jour."
D’autres contraintes naissent des décors, des options de mise en scène: "Ça ne sert à rien de jouer sur la profondeur avec les lumières, si Gisèle décide de placer les comédiens à l’avant du plateau ..."
Autant dire que si la création prend sa forme définitive lors des répétitions, elle est amplement anticipée. "On met des idées sur la table, on commence à chercher, on propose des choses..." Un travail qui se fait également pour la bande-son: "Gisèle a son idée, ensuite, on cherche et ça passe aussi par des échanges." Cette complicité, on l’a dit ailleurs, se révèle d’autant plus forte que Jean-Christophe Despond partage avec la metteuse en scène et le scénographe une certaine conception du théâtre: "Créer des effets juste pour les effets, ça ne m’intéresse pas." Et de sourire d’une dérive, qu’il constate surtout dans les concerts: "Beaucoup ne font plus des éclairages, mais de l' informatique..."
Au cours de la discussion, Jean-Christophe Despond lâche qu’il ne pourrait pas assurer la direction technique d’un autre théâtre, fût-il plus grand, plus prestigieux. Rester dans son bureau pour planifier les journées de collaborateurs? Non, merci. Se contenter d’accueillir les troupes, de mettre en place les éclairages que d’autres ont créés? Non, merci. "Ici, je ne suis pas qu’un simple exécutant. Je suis artistiquement très impliqué et ce n’est pas le même rapport que dans un théâtre qui fait essentiellement de l’accueil". Alors, tant pis si le travail est parfois lourd, tant pis pour les heures qui ne se comptent plus. Dans l’ombre, on le devine sourire, à mettre les autres en lumière.
Eric Bulliard, Givisiez, 20 ans après, Chroniques Théâtre des Osses Centre dramatique fribourgeois, volume 5, pp. 102-104